Le 19° arrondissement de Paris, avec son architecture diversifiée et ses espaces verts, constitue depuis des décennies un terrain de jeu privilégié pour les réalisateurs de cinéma et de séries télévisées. Cet arrondissement du nord-est parisien offre une palette de décors naturels qui ont su captiver l'imagination des cinéastes, des paysages bucoliques des Buttes-Chaumont aux ruelles pittoresques de la Butte Bergeyre. À travers les années, ces lieux emblématiques ont servi de toile de fond à d'innombrables productions, contribuant à façonner l'identité cinématographique de Paris.
L'attrait cinématographique du 19° arrondissement
Une diversité architecturale unique
Le 19e arrondissement se distingue par son mélange architectural singulier, alliant immeubles haussmanniens, habitations ouvrières du début du 20e siècle et constructions contemporaines. Cette diversité offre aux réalisateurs un éventail de possibilités visuelles pour situer leurs récits dans différentes époques et contextes sociaux. Des ruelles pavées aux grandes avenues, chaque recoin de cet arrondissement raconte une histoire qui peut être capturée par la caméra.
L'architecture du 19° arrondissement témoigne également de l'évolution urbaine de Paris, avec ses anciennes zones industrielles reconverties et ses quartiers populaires qui conservent une authenticité recherchée par les cinéastes. Cette richesse architecturale permet de représenter aussi bien le Paris historique que contemporain, offrant ainsi une versatilité précieuse pour les productions cinématographiques.
Des espaces verts
Si le 19° arrondissement attire tant les réalisateurs, c'est aussi grâce à ses nombreux espaces verts qui constituent des havres de paix au cœur de la capitale. Ces parcs et jardins offrent des décors naturels exceptionnels qui contrastent avec l'urbanisme dense de Paris, permettant ainsi de créer des atmosphères variées au sein d'un même film.
Ces espaces verts ne sont pas de simples toiles de fond ; ils deviennent souvent des personnages à part entière dans les récits cinématographiques, influençant l'ambiance et le rythme des scènes qui s'y déroulent. La diversité de la flore et les panoramas qu'offrent ces parcs permettent aux réalisateurs de créer des séquences visuellement saisissantes qui enrichissent leurs œuvres.
Les lieux de tournage emblématiques du 19e arrondissement
Le Parc des Buttes-Chaumont : un écrin de verdure cinégénique
Le Parc des Buttes-Chaumont, véritable joyau du 19° arrondissement, est sans conteste l'un des lieux de tournage les plus prisés de Paris. Créé sous Napoléon III par l'ingénieur Jean-Charles Alphand, ce parc de 25 hectares offre un paysage romantique avec ses falaises, son lac, son temple de la Sibylle et ses grottes artificielles. Cette configuration unique en fait un décor de choix pour les réalisateurs en quête d'un cadre naturel exceptionnel en plein cœur de Paris.
Parmi les productions notables tournées dans ce parc, on retrouve la série romantique française "Plan Cœur" diffusée sur Netflix. Cette série, créée par Noémie Saglio et Julien Teisseire, a utilisé les paysages pittoresques du parc pour ses scènes extérieures, mettant en valeur la beauté naturelle de cet espace vert. Le réalisateur Alain Resnais y a également situé une partie de l'intrigue de sa comédie musicale "On Connaît la chanson" (1997), tandis qu'Éric Rohmer y a tourné des scènes de "La Femme de l'aviateur" en 1981.
Le parc des Buttes-Chaumont a également servi de décor à la comédie "Dans la cour" (2014), où le personnage interprété par Gustave Kervern y promène son spleen avant de retrouver goût à la vie grâce à Catherine Deneuve. La diversité des paysages qu'offre ce parc permet aux réalisateurs de créer des ambiances variées, allant du romantisme à la mélancolie, en passant par la légèreté comique.
La Butte Bergeyre : un village dans la ville
La Butte Bergeyre, micro-quartier pittoresque du 19° arrondissement, constitue un décor de cinéma à part entière avec son atmosphère de village préservé. Accessible uniquement par des escaliers depuis la rue Manin, ce lieu confidentiel est caractérisé par ses maisons individuelles, ses rues pavées et son petit vignoble qui lui confèrent un charme unique. Cette configuration particulière en fait un lieu de tournage privilégié pour les réalisateurs en quête d'authenticité et de dépaysement.
Ce quartier atypique a notamment servi de décor à la série "Vernon Subutex", adaptée de la trilogie à succès de Virginie Despentes . La réalisatrice Cathy Verney, qui habite elle-même dans le quartier, a choisi de rester fidèle aux lieux décrits dans les romans, reconnaissant la justesse avec laquelle l'auteure avait capturé l'essence de ce micro-quartier. La Butte Bergeyre apparaît ainsi comme le point de départ et d'arrivée de l'errance du personnage principal, incarné par Romain Duris.
Michel Gondry a également jeté son dévolu sur la Butte Bergeyre pour le tournage de son adaptation de "L'Écume des jours" (2013), roman culte de Boris Vian. Le réalisateur y a tourné en avril 2012, profitant de l'atmosphère romanesque et intemporelle de ce lieu pour donner vie à l'univers poétique de Vian. Malgré la notoriété du film, qui réunissait Romain Duris, Audrey Tautou et Omar Sy, la butte a su préserver sa tranquillité et son authenticité, loin du tourisme de masse.
Le Square Bolivar: un écrin pour le cinéma poétique
Le Square Bolivar, situé dans le 19° arrondissement, est un lieu de tournage qui a marqué l'histoire du cinéma français. Ce square, créé en 1902, se distingue par sa configuration particulière : une voie en montée qui entoure un terre-plein central arboré, formant une placette en son milieu. Cette géométrie singulière a inspiré plusieurs réalisateurs à la recherche d'un cadre urbain à la fois intime et graphique Jean Cocteau y a tourné des scènes de son film mythologique "Orphée" (1950), utilisant ce décor pour ses séquences oniriques et poétiques. Dans ce film culte, le Square Bolivar apparaît comme un lieu de passage entre le monde réel et l'au-delà, renforçant l'atmosphère mystérieuse de l'œuvre. La configuration particulière du square, avec ses perspectives et ses recoins, a permis au réalisateur de créer des images d'une grande force visuelle qui participent pleinement à la dimension poétique du film Gilles Grangier a également choisi le Square Bolivar pour tourner plusieurs scènes clés de son film "Le Rouge est mis" (1957). Ce film noir à la française, qui met en vedette Jean Gabin dans le rôle d'un chef de gang se faisant passer pour un paisible garagiste, utilise l'atmosphère particulière du square pour renforcer la tension dramatique du récit .
Le Square de la Butte-du-Chapeau-Rouge : témoin de l'histoire du cinéma
Le Square de la Butte-du-Chapeau-Rouge, aujourd'hui connu sous le nom de Parc de la Butte-du-Chapeau-Rouge, est un espace vert moderniste créé en 1939 dans le 19° arrondissement.
Conçu par l'architecte Léon Azéma, ce parc marque une rupture avec le style pittoresque qui prévalait jusqu'alors dans les jardins parisiens, privilégiant une approche plus classique avec de vastes pelouses mettant en valeur des œuvres de sculpture.
Ce cadre unique a servi de décor à certaines scènes du film "La Vie en rose" (2007), biopic consacré à Edith Piaf réalisé par Olivier Dahan. Le film, qui a valu l'Oscar de la meilleure actrice à Marion Cotillard, retrace le parcours exceptionnel de la chanteuse, de son enfance difficile à Belleville jusqu'à sa gloire internationale. Le Square de la Butte-du-Chapeau-Rouge a notamment accueilli des séquences illustrant les débuts de Piaf, lorsqu'elle chantait dans les rues de Paris, contribuant ainsi à l'authenticité historique du film.
Le choix de ce lieu pour évoquer les origines parisiennes d'Édith Piaf n'est pas anodin, car il permet de capturer l'atmosphère populaire du Paris de l'entre-deux-guerres. La configuration du parc, avec ses différents niveaux et ses perspectives, offre des possibilités visuelles intéressantes pour les réalisateurs souhaitant recréer le Paris d'autrefois.
L'évolution du 19e arrondissement comme lieu de tournage
L'histoire cinématographique du 19e arrondissement est indissociable des Studios des Buttes-Chaumont, qui ont marqué l'âge d'or du cinéma français. Créés en 1897 par Léon Gaumont, ces studios situés rue des Alouettes constituaient à l'époque "le plus grand studio du monde" selon leur fondateur. C'est là que Louis Feuillade a tourné ses célèbres séries "Fantômas" et "Les Vampires" entre 1913 et 1917, posant les jalons d'une riche tradition cinématographique dans l'arrondissement.
Avec le temps, les productions cinématographiques ont progressivement délaissé les studios pour privilégier les décors naturels qu'offre le 19° arrondissement. Cette évolution témoigne d'une recherche d'authenticité et de réalisme de la part des réalisateurs, qui trouvent dans les rues, les parcs et les places de l'arrondissement des cadres visuels uniques impossibles à recréer en studio.
Aujourd'hui, le 19e arrondissement continue d'attirer les productions cinématographiques et télévisuelles grâce à la diversité de ses décors naturels. Des séries comme "Plan Cœur" aux films d'auteur comme "Vernon Subutex", en passant par des blockbusters internationaux, cet arrondissement offre un terrain de jeu idéal pour les réalisateurs en quête d'authenticité parisienne.
Le cinéma comme vecteur de valorisation du territoire
Les tournages réalisés dans le 19e arrondissement contribuent significativement à la valorisation de ce territoire parisien longtemps méconnu du grand public. En mettant en lumière la beauté de ses paysages et la richesse de son patrimoine architectural, le cinéma participe à la construction d'une image positive de cet arrondissement, attirant ainsi l'attention des touristes et des investisseurs.
Cette mise en valeur cinématographique s'inscrit dans une dynamique plus large de renouveau urbain du nord-est parisien . Les films et séries tournés dans le 19° arrondissement témoignent de sa transformation progressive, passant d'un quartier populaire et industriel à un espace urbain dynamique et créatif. Le cinéma devient ainsi un témoin privilégié de l'évolution sociale et architecturale de cet arrondissement.
Par ailleurs, les tournages génèrent des retombées économiques significatives pour le territoire, créant des emplois temporaires et stimulant l'activité des commerces locaux. Ils contribuent également à la création d'un sentiment de fierté chez les habitants, qui voient leur quartier magnifié à l'écran et reconnu pour sa valeur esthétique et culturelle.
Le 19° arrondissement comme reflet de la société française au cinéma.
Des comédies populaires aux drames sociaux
Le 19° arrondissement a servi de décor à une grande variété de genres cinématographiques, reflétant ainsi la diversité des récits que peut accueillir ce territoire. Des comédies légères aux drames sociaux en passant par les films romantiques, cet arrondissement offre un cadre adaptable à toutes les tonalités narratives.
Parmi les comédies tournées dans le 19° arrondissement, on peut citer "Denis" (2012) de Lionel Bailliu, qui utilise notamment le Square Bolivar pour ses scènes romantiques. Cette comédie dramatique, qui met en scène Jean-Paul Rouve et Fabrice Eboué, s'inscrit dans la tradition des comédies françaises contemporaines ancrées dans le quotidien parisien. À l'opposé, des films comme "Banlieusards" (2019) de Kery James et Leila Sy abordent des thématiques sociales plus graves. Ce long-métrage, tourné en grande partie dans le 19e arrondissement, met en lumière les enjeux et réalités sociales auxquels sont confrontés les habitants des quartiers populaires. À travers l'histoire de trois frères de la banlieue de Champigny, le film explore les questions d'identité, d'intégration et de déterminisme social, utilisant le cadre urbain du 19° arrondissement pour ancrer son récit dans une réalité tangible.
Le film "La Rafle" (2010), réalisé par Roselyne Bosch, a également tourné quelques scènes dans le quartier de la Villette. Ce drame historique, qui relate la rafle du Vélodrome d'Hiver et 17 juillet 1942, utilise le cadre authentique du 19° arrondissement pour renforcer la véracité historique de son récit. La présence de Gad Elmaleh au casting de ce film témoigne de la capacité du 19° arrondissement à accueillir des productions ambitieuses traitant de sujets historiques sensibles.
Un miroir des transformations urbaines et sociales
Le cinéma tourné dans le 19* arrondissement constitue un précieux témoignage des transformations urbaines et sociales qu'a connues ce territoire au fil des décennies. Les films réalisés à différentes époques permettent de suivre l'évolution du paysage urbain, des modes de vie et des problématiques sociales qui traversent cet arrondissement.
Le film "Rue des Cascades" (1963) de Maurice Delbez, bien que principalement situé à Belleville, capture l'atmosphère populaire qui régnait alors dans l'est parisien. Ce film, qui aborde les thèmes du racisme et de la liberté d'aimer dans le Paris des années 1960, témoigne des tensions sociales qui pouvaient exister dans ces quartiers à l'époque.
Plus récemment, la série "Vernon Subutex" offre une vision contemporaine du 19° arrondissement, loin des clichés touristiques véhiculés par certains films . Comme l'explique la réalisatrice Cathy Verney, "le Paris de Vernon n'a rien à voir avec les fantasmes véhiculés par des films comme Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain ou Midnight in Paris. C'est le vrai Paris, celui des trottoirs sales et des architectures haussmanniennes, celui des gens qui se frôlent sans se regarder mais aussi des cafés de quartier où l'on se sent comme chez soi" .
Cette authenticité recherchée par les réalisateurs contemporains fait du 19° arrondissement un lieu privilégié pour explorer les réalités sociales de la France d'aujourd'hui. À travers les films qui y sont tournés, c'est toute la complexité de la société française qui se trouve mise en scène.